Quand on arrive à Molengeek, on rentre dans un autre univers. La déco est très « street » et les locaux vraiment agréables. Tout est fait pour se sentir bien et travailler dans un cadre où l’on retrouve les codes : « geek ». Ensuite, on rencontre Ibrahim Ouassari, et sous le masque – covid19 oblige, on distingue tout de suite un grand sourire et une personnalité bien dans ses baskets. Ibrahim Ouassari est accueillant et vous met tout de suite à l’aise. On sait intuitivement que l’on va passer un bon moment d’interview et qu’il ne se cachera pas. C’est une personne entière dont l’oeil pétillant d’intelligence et d’enthousiasme vous rassure sur ce point. Il n’y aura pas de langue de bois !
Un petit retour sur la déco de Molengeek qui nous a beaucoup plu. Ibrahim Ouassari et moi avons le même âge et partageons donc les mêmes codes. Il a absolument tenu à me montrer la fresque de Goldorak qui est à l’étage et il a très bien fait, elle déchire !
Mais sans plus attendre, je vous propose de me suivre dans l’interview exclusive de celui qui est devenu depuis administrateur de Proximus. L’interview a eu lieu le 4 mars… il ne l’était pas encore à l’époque.
Ibrahim Ouassari, une scolarité heureuse jusqu’en humanités
C’est lors de son arrivée dans les humanités que les choses ont commencé à ne plus tourner rond pour Ibrahim Ouassari. Jusque-là pourtant tout s’était bien passé. Il a totalement décroché et, finalement, la première humanité est la dernière année qu’il a réussi. S’en suit alors une véritable odyssée dans les méandres des options toutes plus bizarres les unes que les autres. Faut dire que ses parents n’avaient pas l’habitude de vivre ça. En effet, les autres membres de sa fratrie de 8 sont définis par Ibrahim comme des « role models » ou des avions de chasse… Du coup, ses parents essaient par tous les moyens qu’il ait un diplôme ou du moins une formation qualifiante. Il fera de tout : coiffure, peintre, etc. il passera même par la STIB où, comme vous pourrez l’entendre, ça ne s’est pas hyper bien passé.
Ibrahim Ouassari ne dénigre pas l’école !
Attention, loin de nous, l’idée de dénigrer l’école. Il faut certes refonder l’enseignement pour proposer une meilleure adéquation entre ce qu’on y trouve et ce à quoi les enfants sont confrontés à l’extérieur et dans le futur, mais ce que l’on note, c’est qu’il y a des personnes pour qui le système n’est pas adapté.
Je dis « nous » parce que j’ai vécu plus ou moins la même chose qu’Ibrahim. Issus d’une famille de 7, je suis aussi passé par plusieurs écoles et on peut dire que l’enseignement classique ne m’a pas réussi. Mais vous ne lisez pas cet article pour en savoir plus sur moi, je passe donc à la suite…
Bref, avoir un diplôme est important et Ibrahim ne dit pas qu’il ne faut pas aller à l’école. Non, il dit simplement que c’est un système qui ne lui convenait pas. Suite à ça, son parcours prouve que lorsque l’on trouve sa voie on peut tout à fait réussir. Et allons même plus loin. Les choses ne sont jamais foutues. Il suffit de se prendre en main pour arriver à quelque chose. Donc, si vous nous lisez et que votre parcours est chaotique, ne perdez pas espoir… tout est possible à force de travail et de rencontres.
Une rencontre en deux temps qui change sa vie
Ibrahim Ouassari se retrouve après un bref passage en tant qu’éducateur de rue à s’occuper de câblage informatique dans des entreprises. C’est là qu’une première rencontre décisive a lieu. Davy ! Son collègue lui explique comment télécharger lui-même de la musique sur Internet. Ibrahim s’achète donc un ordinateur et un modem 56k. Vous vous rappelez ? le bruit immonde de la connexion Internet qui passe par la ligne téléphonique.
Ibrahim se retrouve bloqué et là, a lieu la deuxième rencontre. Il va sur un forum poster sa question dans le meilleur anglais dont il est capable et miracle, un Japonais lui répond. Mieux encore, cette réponse lui est utile, vu qu’en faisant ce que le Japonais lui a répondu il arrive à télécharger sa musique.
C’est le déclic ! Ibrahim Ouassari se rend compte qu’avec un ordinateur et une connexion il peut véritablement changer son monde… pourquoi pas le monde de beaucoup d’autres personnes.
Ibrahim Ouassari une personnalité influente dans le quartier
De file en aiguille il monte sa société dans l’informatique… bizarrement, là, l’étude de la gestion n’est pas un problème pour obtenir son numéro d’entreprise et le droit d’exercer en tant que consultant indépendant. Quand on veut, on peut ! Et, finalement, ça confirme ce qu’il pense. L’école n’était pas faite pour lui.
Le business dans l’IT fonctionne plutôt bien et les belles berlines allemandes qu’il conduit attirent le regard des jeunes du quartier. Ceux-ci lui demandent à quelle université il a été ou quelles études il faut faire pour pouvoir jouir des mêmes voitures luxueuses. Un peu gêné, il leur dit qu’il faut faire de l’informatique, mais que ça ne suffit pas. Il faut se former par soi-même. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Et, finalement, comme on se le dira dans l’épisode, l’informatique, c’est comme les langues, ça ne sert à rien d’avoir un beau diplôme et de belles notes, ce qu’il faut c’est savoir parler et savoir faire !
Molengeek l’école qu’Ibrahim Ouassari aurait aimé fréquenter
Finalement, en 2015 il lancera Molengeek. Je ne vais pas m’attarder sur les prémisses parce que je vais vous avouer que nous ne nous sommes pas penchés sur le sujet lors de l’interview et que je n’ai pas fait les recherches nécessaires pour vous brosser un tableau parfait du pourquoi et du comment.
Par contre, ce qui est intéressant, c’est qu’avec Molengeek il lance un concept qui permet à toutes et tous d’avoir accès à la Tech. Tout le monde peut venir se former à Molengeek et il y a un partenariat avec Actiris pour que les personnes étant au chômage puissent venir suivre des formations. Un succès puisque plus de 90% des personnes passant par Molengeek trouvent un emploi, continuent une formation dans l’IT ou créent leur start-up par la suite.
De plus, il ne s’est pas arrêté là. Molengeek est aussi un incubateur de start-up et quoi de plus important pour une start-up que d’avoir accès à un marché plus grand que celui de Bruxelles. Il a donc lancé l’initiative Molengeek dans les 3 régions du pays, aux Pays-Bas et en Italie.
C’est de cette manière enfin que les entreprises créées dans ces différents endroits pourront compter sur l’écosystème global pour s’étendre et bénéficier d’un pool de personnes qualifiées Tech et coutumières de l’environnement natif de ces start-up. Bref, une idée brillante !
Quand sa famille est venue visiter Molengeek, il y a eu deux réactions. La première, c’est celle de son père. « C’est toi qui as créé ça ? Une école ? Toi… » quelque peu incrédule, mais fier. Et puis, la seconde, sa soeur. « En fait, tu as créé l’école que tu aurais aimé avoir ! » Avec du recul, Ibrahim Ouassari pense que sa soeur a vu juste. C’est exactement l’école dans laquelle il aurait aimé suivre sa scolarité.
Une belle reconnaissance de Sundar Pichai
En janvier 2020, Sundar Pichai, le CEO d’Alphabet (la société qui exploite la marque Google) rend visite à Molengeek. Il passe là beaucoup de temps à visiter l’environnement et à s’intéresser aux étudiants. Mais il parle surtout beaucoup avec Ibrahim. Les deux échangent beaucoup et se disent que la technologie a changé leur vie. Et c’est peu de le dire. En partant, il lui réitérera sa confiance en lui donnant un chèque de 250.000 dollars. Plus tard quand on lui demande qui il voit travailler à un meilleur futur, Sundar répondra sans hésiter : « Ibrahim Ouassari ». Quand on voit ce que Ibrahim Ouassari et ses équipes mettent en place, que l’on comprend l’importance de la tâche et que l’on connaît la position de cette petite entreprise qu’est Google (second degré, je précise) on ne peut qu’abonder dans son sens.
Les choses s’accélèrent pour Ibrahim Ouassari !
Après la visite de Sundar, une autre opportunité. Celle d’une interview dans le podcast RSPCT (OK c’est nul, mais j’avais envie de le placer quand même). Après ça, un coup de fil du président du MR Georges Louis Bouchez. En effet, ce dernier a une place à pourvoir au niveau du Conseil d’Administration de l’entreprise Proximus. Ibrahim Ouassari n’est pas politisé et lui en fait part. Le président du Mouvement Réformateur lui assure qu’il n’aura pas à suivre des directives dictées par le parti, mais qu’en sa qualité d’expert du digital et vu son parcours inspirant il est la personne idéale pour insuffler une vision différente dans ce CA présidé par l’ancien ministre de la Justice, Stefaan De Clerck.
Ibrahim réfléchit et se dit qu’il ne peut pas refuser une opportunité pareille. Plus précisément, il n’en a pas le luxe. Il dira d’ailleurs qu’on ne peut pas se plaindre du manque de diversité au sein des conseils d’administration et refuser tout à la fois d’y aller.
Bref, il accepte et s’en suivra un grand battage médiatique. Certains l’accusent de s’acoquiner avec le MR. De permettre de la récupération. Dans un échange, sur le plateau de la 1ere chaîne d’info LN24 notamment. D’autres dans un style plus chambreur et bienveillant, comme « Abdel En Vrai », le proposeront à l’ordre du mérite dans un tweet qui nous a franchement bien fait rigoler.
Une constante prime… Ibrahim Ouassari reste fidèle à lui-même. Il répond le plus et le mieux possible aux personnes qui l’interpellent.
Un conseil d’Ibrahim Ouassari
Quand on lui demande une citation ou un conseil, il parle d’une étude qui avait été réalisée sur des personnes plus âgées ou carrément en fin de vie. La conclusion ? Les personnes regrettent presque toujours ce qu’elles n’ont pas fait. Il faut donc oser et faire des choses. Regretter, c’est trop dommage.
En tout cas, il y a une chose que nous ne regrettons pas chez RSPCT, c’est d’avoir osé un soir envoyer un message LinkedIn à Ibrahim Ouassari pour voir si une interview avec nous le tentait !
Merci Ibrahim pour ton engagement, ta simplicité (dans le bon sens du terme) et pour l’inspiration que tu donnes à toutes et tous au quotidien. Au plaisir de te recroiser un jour !
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Liens et référence :
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- Sundar Pichai (CEO Google)
- Factfulness : Pourquoi le monde va mieux que vous ne le pensez – de Hans Roseling
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Un grand merci à Ruben pour l’habillage sonore du podcast. La musique vous plait ? Retrouvez le sur Soundcloud.