Aller au contenu
Accueil > Blog > Jim Thompson, le mystérieux destin du roi de la soie

Jim Thompson, le mystérieux destin du roi de la soie

  • par
Photo : AP

Une passion pour l’architecture

Jim Thompson est né en 1906 dans le Delaware, petit dernier d’une famille de cinq enfants. Son père Henry est déjà actif dans l’industrie textile, mais c’est l’architecture qui sera la première passion de Jim.  Fraichement diplôme de l’Université de Princeton, il participe à l’épreuve de voile de la série 6 mètres aux Jeux Olympiques d’Amsterdam en 1928. Le voilier américain terminera à la sixième place, devant les Français, emmenés par Philippe de Rothschild, mais loin derrière la médaille d’Or de l’équipe norvégienne, dont faisait partie le Prince Héritier et futur Roi, Olav V.

Jim Thompson travaillera comme architecte à New York jusqu’à la seconde guerre mondiale, et sera recruté en 1942 par l’OSS, l’Office of Strategic Services, ancêtre de la CIA. Il sera affecté à la résistance française en Afrique du Nord. Après la capitulation de l’Allemagne Nazie et la fin de la guerre en Europe en mai 1945, Il partira pour Ceylan (l’actuel Sri Lanka). Il y travaillera avec le Mouvement Seri Thai visant à libérer la Thaïlande de l’occupation japonaise. Le Japon Impérial annoncera sa reddition le 15 Aout 1945, et Jim Thompson arrivera à Bangkok dans les jours qui suivront.

Découverte de la soie

Jim Thompson travaille encore comme attaché militaire auprès de la Légation Américaine à Bangkok, mais quitte l’armée en 1946 pour se consacrer à la rénovation de l’Hôtel Oriental, le plus ancien hôtel de la ville. Il quitte le projet un an plus tard et se tourne vers l’Industrie de la soie en fondant la Thai Silk Company.

Traditionnellement, la soie Thaïe n’était utilisée que pour un usage privé et domestique, la cour et l’aristocratie préférant la soie importée de Chine. Jim Thompson en fait la découverte en visitant une petite communauté de tisserands, vivant le long d’un canal un peu à l’écart dans le cœur de Bangkok. Grace à ses contacts, il assure la promotion de cette soie auprès de son pays natal, notamment en réalisant les costumes de la comédie musicale The King and I qui débuta en 1951 à Broadway et qui connut un succès retentissant avant d’être adaptée en film en 1956.

Pour faire face a cette demande croissante, Jim Thompson fait le choix de ne pas industrialiser la manufacture de la soie, mais d’encourager la production locale et traditionnelle en achetant directement chez les producteurs locaux, provoquant un essor de cette activité. En 1967, ce ne seront ainsi pas moins de 20.000 tisserands indépendants qui travaillent pour lui, principalement des femmes qui produisent et tissent la soie a domicile, et contribuent ainsi aux revenus et au développement de leurs communautés.

La soie thaïe

La soie Thaïe

La soie Thaïe provient du ver à soie Bombyx Mori, qui passe un an à se nourrir de feuilles de mûrier avant de construire son cocon. Les cocons sont ensuite bouillis, et les fibres de soie sont filées pour en faire un fil résistant, dont la couleur varie du blanc cassé au jaune doré. Encore aujourd’hui, le procédé est très peu automatisé et la plus grande partie de la soie Thaïe est encore produite et filée à la main. La soie est ensuite blanchie et teinte, et roulée en bobines prêtes à être tissée.

En voyant le succès de Jim Thompson et l’augmentation de la demande internationale, de nombreux petits entrepreneurs locaux se mettent également à produire de la soie, et on estime que plus de 75.000 personnes vivent de ce secteur aujourd’hui en Thaïlande. Tout un pan de l’économie qui serait resté anecdotique sans l’imagination et l’inspiration de Jim Thompson.

La Maison de Jim Thompson

A côté de ses activités professionnelles, la passion de Jim Thompson pour l’art en fait un collectionneur renommé d’antiquités originaires de toute l’Asie du Sud-Est. Pour abriter ses collections, il entreprend de faire construire en 1958 une maison, qui deviendra par la suite un musée. Il fait l’acquisition d’un terrain le long d’un Klong (canal), en face de la communauté de tisserands de Bangkrua, et entreprend de faire démonter et acheminer par bateau six anciennes maisons thaïes traditionnelles en bois, pour les assembler en une superbe demeure sur pilotis. Plusieurs d’entre-elles viennent d’Ayutthaia, ancienne capitale du royaume de Siam, et arrivent à Bangkok en descendant le fleuve Chao Phraya.

Jim Thompson décore sa maison de porcelaines Ming, de gravures cambodgiennes, de statues birmanes et de toute une série d’objets que cet amoureux des arts et de l’artisanat à pu glaner aux cours de ses voyages dans la région. La maison et les collections qui s’y trouvent appartiennent aujourd’hui à la fondation Jim Thompson, qui en a fait un charmant musée accessible au public.

La Maison de Jim Thompson, Bangkok

Une étrange disparition

Les multiples facettes de Jim Thompson, Américain, architecte, officier à la retraite, entrepreneur, marchand de soie et collectionneur en faisait déjà une personnalité haute en couleur, mais son étrange disparition le 26 mars 1967 vient encore ajouter une aura de mystère à ce personnage hors du commun.

Jim Thompson séjourne alors chez un couple d’amis dans les Cameron Highlands, en Malaisie, et décide d’aller se promener seul dans les collines en ce dimanche après-midi à 13h30. A 16h, un cuisinier le voit longer la route à environ 1.5 km du bungalow où il loge. Plus personne ne le reverra par la suite… Il venait d’avoir 61 ans. Malgré des recherches intensives menées pendant onze jours, la police, l’armée et de nombreux volontaires ne trouveront aucune trace, ni aucun indice. L’affaire génère à l’époque une attention internationale, et la presse se laisse aller aux spéculations les plus folles : Kidnapping (sans aucune demande de rançon), meurtre, disparition volontaire pour reprendre du service comme espion (au Vietnam ?), éliminé par ses concurrents ou pour des raisons politiques… Cinquante ans plus tard, et malgré de nouvelles recherches et enquêtes, le sort de Jim Thompson reste un mystère.

Jim Thompson, une marque de luxe

La Thai Silk Company existe toujours aujourd’hui, emploie 3000 personnes et continue ses activités sous la marque Jim Thompson. La marque vend des vêtements et des accessoires en soie, du tissu, du linge de maison dans une quarantaine de magasins, et à également ouvert une chaine de restaurant. Avec son héritage riche et unique, sa présence étendue en Thaïlande, l’originalité et l’authenticité de son identité, Jim Thompson affiche clairement ses ambitions de devenir la première marque de luxe d’Asie du Sud-Est.

Entrepreneur visionnaire, esthète, collectionneur d’art, homme d’action et de conviction mû avant tout par son amour du peuple Thaï et de sa culture, Jim Thompson à pratiquement créé l’industrie de la soie Thaïe et l’a faite découvrir au monde, assurant à la fois la conservation d’un savoir faire ancestral et procurant un métier un moyen de subsistance et de développement à de nombreuses familles issues de communautés défavorisées. Ses actions concrètes et l’influence positive qu’il a eu sur tout un secteur économique le qualifient sans nul doute pour le titre d’influacteur, et si nous ne pourrons malheureusement jamais l’inviter dans un de nos podcasts RSPCT, nous sommes heureux d’avoir pu partager une partie de son histoire avec vous !

Notez cet article

Sélectionnez le nombre d'étoile pour voter :
[Total: 2 Average: 5]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.